Les noms propres dans Les Fleurs du Mal: entre rémunération et reformulation de l'onoma kurion

Locatelli F
2017-01-01

2017
9782359352177
A l’époque du symbolisme, les nombreuses rééditions du Cratyle de Platon et la prolifération d’études critiques le concernant témoignent d’une remise à jour de l’épineuse question du rapport entre la réalité et le nom. En réponse à la crise du langage et en particulier du langage poétique ouverte par Mallarmé à la suite de Baudelaire, le questionnement concerne spécifiquement l’onoma kurion, le signe linguistique marquant a priori l’unicité référentielle. L’opposition entre le “mimologisme” (ou “cratylisme”) et l’arbitraire paraît en effet évidente pour l’analyse du fonctionnement spécifique du signe dans Les Fleurs du Mal, s’agissant en particulier de l’onomastique d’origine biblique et littéraire. Les quelque 150 noms propres qui apparaissent dans le corpus ne fonctionnent presque jamais sur la base d’une référence communément partagée. Reformulés, rebaptisés, enrichis paradoxalement de synonymes, ils témoignent de la volonté poétique de neutraliser la singularité du référent, le contenu conceptuel qu’il est présumé contenir, pour donner au nom une relation nouvelle, réellement ressentie, entre le sujet et l’objet. L’intention de “rémunérer” la langue, unie à un processus constant de “reformulation” au moyen du langage figuré, développe la valeur pragmatique et discursive qui est propre à ces noms dans l’univers poétique, où ils sont définis et redéfinis sur la base des actes de nomination successifs, « ouvrant aux différentes formes du réel » (G.-G. Granger) que dégage la vision artistique. Comme l’a relevé Jean-Michel Adam, Baudelaire rompt la linéarité de l’onoma kurion et de sa représentation, il « volatilise » l’unicité référentielle qui en est la marque spécifique, au niveau linguistique comme au niveau conceptuel, afin de faire circuler un sens nouveau dans la langue poétique. À partir d’une analyse textuelle du fonctionnement de ces noms propres porteurs d’une épaisseur historique et culturelle particulière, nous essayerons de démontrer comment le “propre” pour Baudelaire ne se définit pas par l’unicité du signe, mais plutôt par celle de l’approche poétique qui opère, chaque fois, un acte de baptême nouveau (M.-N. Gary Prieur - H. Meschonnic). Comme le demande Michel Deguy, quel est ainsi le bon surnom, le juste cognomen, le nom propre ? « Ce n’est pas un nom (qui tombe de haut sur le nouveau-né) mais autant de locutions que les poètes agencent syntaxiquement : le poème » (De la poésie aujourd’hui).
Baudelaire
nom propre
Stylistique
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Utilizza questo identificativo per citare o creare un link a questo documento: https://hdl.handle.net/20.500.14087/6084
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