La place des variables d'évaluation dans la planification et la gestion de processus d'enseignement-apprentissage à l'école primaire

GRANGE SERGI T.
2006-01-01

2006
En Italie, dans un cadre législatif qui reconnaît aux écoles une pleine autonomie quant aux modalités et aux critères d’évaluation des élèves par rapport aux finalités et aux objectifs fixés par les programmes nationaux, une innovation des documents d’évaluation et de certification a été introduite par la récente (et inachevée) réforme du système scolaire. Les ambigüités, les contraintes procédurales et les implications pédagogiques de ces nouvelles formes de certification ont suscité, au-delà des phénomènes de résistance et de marchandage qui accompagnent les phases initiales de toute innovation centrale (Huberman,1984), un débat animé au niveau des acteurs et des chercheurs de l’éducation, qui a mis en cause et renvoyé de fait l’application des directives ministérielles en matière d’évaluation. La critique de la réforme a également provoqué chez les enseignants l’émergence de systèmes de croyances, de pratiques affermies, d’orientations théoriques, de savoirs d’expérience qui représentent autant d’horizons de sens pour une réflexion autour de la culture de l’évaluation (Vertecchi & Becchi, 1986; Pellerey, 1998 ; Perrenoud, 1998 ; Vertecchi, 2004 ; Domenici, 2006) dans laquelle on développe les projets pédagogiques, on assume les décisions didactiques, on réalise les pratiques d’enseignement-apprentissage. Cette culture de l’évaluation sous-jacente à la décision et à l’action pédagogiques revêt un double intérêt, de recherche et de formation, pour la compréhension des pratiques d’évaluation dans leurs liens avec les pratiques d’enseignement-apprentissage et pour la construction pertinente de programmes de formation professionnelle des enseignants visant à la promotion de la qualité didactique à l’école. Dans ce climat de questionnement et de sensibilité accrue des enseignants aux problèmes de l’évaluation éveillé par le contexte de réforme, nous avons conduit une recherche qui, tout en effleurant le spécifique des nouveaux instruments de certification, a élargi la perspective en essayant de cerner les variables d’évaluation que les enseignants déclarent de considérer dans leurs pratiques, la façon dont ils les opérationnalisent et la place qu’ils leur allouent dans les processus d’enseignement- apprentissage. Le travail se situe dans le cadre des recherches sur la culture de l’évaluation scolaire chez les enseignants et, en particulier, il focalise des composantes particulières de cette culture, telles que les attitudes face à l’évaluation (Gosling, 1992; Vertecchi, 1993) et les supports conceptuels et instrumentaux de l’évaluation utilisés par les enseignants (Farr & Tone, 1997; Domenici, 2005; Varisco, 2004). On a interviewé 25 enseignants d’école primaire – le primaire étant le degré scolaire le plus directement affecté par la réforme de l’évaluation. Le choix des sujets a été fait sur la base d’une motivation personnelle à participer à une recherche sur l’évaluation scolaire ; d’une expérience d’enseignement d’au moins 10 ans de service en titulaires, assurant l’exercice dans la durée de plusieurs formes et modalités d’évaluation au niveau central et d’établissement; d’une répartition variée sur des écoles différentes afin de neutraliser la variable « culture d’établissement » et multiplier ainsi les apports et les perspectives. Le protocole d’entretien vis-à-vis a été construit en deux parties: une première section demi-structurée, à questions ouvertes, et une deuxième section structurée, relevant sur une échelle Likert le degré d’accord ou de désaccord des enseignants face à des propositions concernant divers aspects de l’évaluation scolaire. Les entretiens ont été enregistrés et successivement transcrits pour le codage. A partir des critères, des stratégies, des instruments d’évaluation évoqués par les enseignants nous avons repéré, classé et analysé les variables d’évaluation considérées ou utilisées dans l’organisation et la gestion de processus d’enseignement-apprentissage par rapport, notamment, aux fonctions de l’évaluation, aux acteurs de l’évaluation, aux situations d’enseignement-apprentissage planifiées et mises en œuvre. Les résultats - qui se veulent révélateurs de criticités ou d’opportunités de valorisation de pratiques congruentes plutôt que descripteurs de tendances générales – montrent tout d’abord l’écart conceptuel qui sépare, dans les représentations des enseignants, la didactique (interprétée comme organisation des processus d’enseignement-apprentissage) des pratiques d’évaluation (considérées comme indépendantes des démarches de cours). On constate, par exemple, le contraste entre la richesse supposée des situations d’enseignement-apprentissage, qui font appel notamment à la différenciation pédagogique, à des démarches d’inspiration socioconstructiviste, à des modèles d’apprentissage coopératif, et la pauvreté des variables d’évaluation utilisées. Les fonctions d’évaluation, bien que parfois connues, pertinemment citées et idéalement évoquées comme nécessaires, ne sont pas toujours exploitées et souvent ne deviennent opérationnelles que dans le cas de l’évaluation sommative. Quant aux acteurs de l’évaluation, l’autoévaluation des élèves se pose comme pratique impromptue et épisodique, sans contextualisation, ni finalisation à des processus d’apprentissage de niveau supérieur (comme, par exemple, métacognition ou métadécision); la participation des parents d’élèves est confinée aux situations extrêmes de risque de doublement; la cogestion de l’évaluation entre collègues présente, par contre, un cadre plus souple et prospère de confrontation d’instruments et de co-responsabilité dans les décisions, inscrit dans une tradition de collégialité enseignante qui caractérise l’école primaire italienne depuis les années ’80. Le réinvestissement des données recueillies à l’occasion de pratiques d’évaluation est très faible et confirme la séparation postulée entre évaluation et apprentissage; les enseignants, pendant la planification des cours, ne semblent pas chercher une cohérence entre les variables d’évaluation et les autres variables pédagogiques. Les cadres de référence des enseignants pour leurs pratiques d’évaluation font état d’une certaine atomisation qui conduit chaque instituteur à intégrer implicitement des stratégies relevant de différents paradigmes, sans nécessairement les soumettre à un contrôle de pertinence, d’efficacité et de consistance par rapport aux processus didactiques qu’il engage. Les attitudes, enfin, révèlent une considérable ambivalence face à une fonction pédagogique perçue comme non parfaitement maîtrisée et potentiellement conflictuelle. Une mise en perspective de ces résultats, au-delà de la situation italienne contingente, portera sur la discussion du rôle de la culture de l’évaluation chez l’enseignants dans la promotion de la qualité pédagogique et dans la contextualisation de toute hypothèse de changement évolutif des pratiques d’évaluation à l’école.
valutazione scolastica
rappresentazioni
formazione degli insegnanti
evaluation scolaire
représentations
formation des enseignants
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Utilizza questo identificativo per citare o creare un link a questo documento: https://hdl.handle.net/20.500.14087/5905
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